Le SIBO, clé des problèmes intestinaux ?
Le SIBO (Small Intestine Bacterial Overgrowth) est un problème dont la prise en charge est tout à fait possible, mais complexe
Je vous l’explique dans cet (long) article à titre informatif, car il est difficile de faire l’impasse sur une prise en charge.
Il s’agit de la cause de nombreux problèmes de nature intestinale. Concrètement, c’est une pullulation bactérienne dans l’intestin grêle, la partie de l’intestin qui assure l’absorption des nutriments. Dans cette partie, il ne faut pas qu’il y ait trop de bactéries. C’est ensuite, au niveau du côlon, que les bactéries doivent être présentes en grande quantité pour fermenter ce qui n’a pas été absorbé. Dans un SIBO, des bactéries du côlon sont remontées dans l’intestin grêle et débutent donc trop haut et trop tôt leur travail de fermentation.
Le SIBO est problématique, car il engendre de l’inflammation de la muqueuse intestinale. Cela réduit sa capacité à absorber les nutriments, menant à des carences et à des problèmes résultant de ces carences. Les autres symptômes et conséquences incluent des inconforts digestifs (ballonnements, flatulences, éructations, douleurs abdominales, diarrhées) et une hyperperméabilité intestinale, provoquant entre autres des intolérances alimentaires. Les bactéries en provenance du côlon consomment également la vitamine B12 avant qu’elle ne puisse être absorbée dans le sang, entraînant une carence qui peut être cause de grande fatigue et de problèmes de mémoire et de sommeil.
On distingue trois grandes causes de SIBO :
Une motilité intestinale ralentie. Elle peut notamment survenir après une infection intestinale telle qu’une gastro-entérite et elle peut être diagnostiquée par un test dénommé IBS Smart Test (www.ibssmart.com; ce test a néanmoins un coût élevé et n’est pas approuvé pour faire office de diagnostic).
Un problème de digestion, par exemple une diminution de l’activité gastrique qui fait que des aliments mal digérés arrivent dans l’intestin grêle (ce peut être le résultat de la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons contre les reflux ou ulcères gastriques ou d’un état de stress chronique), ou une intolérance au gluten.
Une obstruction mécanique de l’intestin grêle, généralement suite à une chirurgie abdominale telle qu’une césarienne, une hystérectomie, une intervention pour réduire l’endométriose, un bypass gastrique, etc.
À côté des causes, il existe des facteurs aggravants, qui sont ceux liés à l’hygiène de vie : une mauvaise alimentation, un manque d’exercice, un manque de sommeil et une mauvaise gestion du stress.
Dans l’idéal, pour diagnostiquer un SIBO, on ferait une biopsie de l’intestin grêle pour en analyser la flore bactérienne. Mais c’est très invasif. La meilleure méthode à l’heure actuelle est un test des gaz exhalés par le souffle, plus particulièrement l’hydrogène et le méthane. Le fait que la personne exhale plutôt trop d‘hydrogène ou plutôt trop de méthane, ou les deux, est une indication importante pour le ou la thérapeute. L’exhalation d’hydrogène sulfureux est également une information importante, même s’il n’est pas directement mesuré, mais peut être inféré des résultats. Des analyses de selles, des mesures des métabolites urinaires et des dosages sanguins peuvent également apporter des informations utiles, tant par rapport au diagnostic que par rapport à la prise en charge.
En matière de prise en charge d’un SIBO, il faut agir par étapes et sur plusieurs tableaux :
Diète sans fibres solubles (légumes cuits, etc.) et sans glucides fermentescibles (légumineuses, etc.) durant un à trois mois. On trouve en ligne de nombreuses listes de glucides fermentescibles, que l’on appelle en Anglais FODMAPs (Fermentable by colonic bacteria Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols). Cette éviction fonctionne bien, pour réduire la quantité de bactéries dans l’intestin grêle, pour les SIBO légers à modérés. Pour les SIBO sévères, il peut falloir éliminer également les autres glucides.
Attention, chez les personnes chez qui le SIBO a favorisé le développement d’une intolérance à l’histamine, une diète d’éviction des FODMAPs peut intensifier cette intolérance, avec toute une série de symptômes, gastro-intestinaux, mais aussi respiratoires, nerveux, cardiovasculaires et dermatologiques. Il faut alors opter pour une diète pauvre en histamine, ce qui implique l’éviction à la fois des aliments riches en histamine et de ceux riches en histamino-libérateurs. Ensuite, quand les symptômes s’améliorent, on peut réintroduire les aliments riches en histamino-libérateurs. Enfin, quand les symptômes continuent à s’améliorer, on peut réintroduire, un à un, les aliments riches en histamine. On peut aussi soutenir l’élimination de l’histamine par une alimentation riche en nutriments qui soutiennent la méthylation et la synthèse de l’enzyme diamine oxydase.
Attention également, une diète d’éviction des FODMAPs n’est pas indiquée en cas de SIBO avec excès d’hydrogène sulfureux. Dans ce cas, c’est plutôt une diète pauvre en soufre qui est efficace, c’est-à-dire une diète végétale (sans produits laitiers, viande, œufs, poisson et fruits de mer) et qui évite aussi, crucifères, vin, fruits secs, ail, oignons et radis.
Traitement antibactérien : L’antibiotique Rifamixin présente une bonne efficacité avec peu d’effets secondaires, mais il est cher et n’est pas reconnu en Europe comme indication pour le SIBO. Il existe néanmoins des alternatives naturelles. Un protocole souvent utilisé est celui de la Dr A. Siebecker et est basé sur une combinaison de plantes incluant la berbérine, la neem, l’huile essentielle d’origan et l’allicine :
En cas d’excès de production d’hydrogène : associer deux à trois de ces quatre plantes
En cas d’excès de production de méthane : associer l’allicine et une ou deux des trois autres plantes
En cas d’excès de production d’hydrogène sulfureux : il ne faut pas prendre de composés qui contiennent du soufre, donc pas de berbérine sulfate, ni d’allicine. On conseille plutôt l’huile essentielle d’origan, le bismuth (2 g/jour, à fractionner en deux ou trois doses), l’acétate de zinc et le probiotique Lactobaccilus plantarum.
Attention, l’utilisation de plantes antibactériennes peut mener à un état grippal et une aggravation des troubles digestifs, qui résulte de la réaction du système immunitaire aux fragments de bactéries libérés par les bactéries tuées par ces plantes. Dans ce cas, il faut diminuer les doses, ou même interrompre le traitement durant quelques jours, en (ré)augmentant ensuite les doses de manière progressive. Il faut aussi savoir que plusieurs cures de ces plantes peuvent être nécessaires pour arriver à guérir complètement un SIBO, cures que l’on espace de deux à trois mois. Voici leurs posologies :
Berbérine : 3 à 5 g/jour, de préférence via un complexe de différentes plantes contenant de la berbérine (par exemple : hydraste du Canada, coptis, arbre curcuma, raisin de l'Oregon, philodendron, berbéris, anemopsis de Californie).
Neem : 900 mg à 1,8 g/jour, à fractionner en trois doses.
Huile essentielle d’origan : 3 gouttes, soit dans des gélules neutres, soit dans un peu de miel, 3x/jour en dehors des repas.
Allicine (extrait d’ail concentré) : 450 à 900 mg, 3x/jour
Il peut être utile en sus, de soutenir la digestion par des enzymes digestives et/ou de renforcer la paroi intestinale par la prise de glutamine et d’autres nutriments.
Il faut aussi être attentif à la prise de certains médicaments qui réduisent la capacité de l’intestin grêle à se nettoyer correctement : les inhibiteurs de la pompe à proton, dont il faut idéalement se sevrer, mais aussi les opiacés, les antispasmodiques et les antidépresseurs tricycliques.
Après l’arrêt du traitement antibactérien, il est conseillé de prendre des prokinétiques, soit pendant six mois si les symptômes n’ont pas dépassé une durée d’un an, soit à plus long-terme.
Enfin, il faut bien entendu prendre en charge les facteurs aggravants décrits plus haut.
Malheureusement, les rechutes sont fréquentes, ce qui nécessite la mise en place de mesures de protection. Au niveau de l’alimentation, celles-ci consistent à espacer les prises alimentaires d’au moins quatre heures et à veiller à une période de jeûne d’au moins 12 heures entre la dernière prise d’une journée et la première prise de la journée suivante. Il peut également être nécessaire de continuer à stimuler la motilité intestinale par la prise de prokinétiques. Enfin, il faut être prudent en cas de voyages à l’étranger, en prenant d’office des probiotiques et/ou des plantes antibactériennes à petite dose.
Dessin SIBO : iStock/Olena Troshchak